Véhiculé par les médias et la pensée contemporaine, le burnout semble être devenu « le mal du siècle ». En février 2016, alors que l’ancien ministre Benoit Hamon déposait une proposition de loi pour la reconnaissance du burnout comme maladie professionnelle, l’Académie de médecine remettait en même temps un rapport sur le sujet.
Premier constat pour elle : le mot est employé à tort et à travers : « L’expansion du terme ‘burn-out’ est une source de confusion en raison des limites imprécises de cette réalité ». Le Pr Olié, psychiatre et co-auteur du rapport y souligne que la souffrance au travail existe : « Nous ne nions pas la réalité, mais elle est polymorphe ». (1)
Ce rapport de l’Académie de Médecine rappelle par ailleurs que c’est en juin 1959 que le psychiatre français Claude Veil a introduit le concept d’épuisement professionnel dans l’histoire médicale, dans un article intitulé « Les états d’épuisement ». Il y écrivait : « l’état d’épuisement est le fruit de la rencontre d’un individu et d’une situation. L’un et l’autre sont complexes, et l’on doit se garder des simplifications abusives. Ce n’est pas simplement la faute à telle ou telle condition de milieu, pas plus que ce n’est la faute du sujet ». Pour Claude Veil, l’apparition de l’épuisement survient quand il y a « franchissement d’un seuil ». (2)
D’où le danger que peut revêtir le fait d’utiliser le terme burnout de manière inflationniste. Ne risque-t-on pas à force de désignifier ce dernier, de telle sorte que ni le salarié qui en est victime, ni son entourage, ni sa hiérarchie ni même son médecin ne sachent plus ce qu’il signifie exactement ?
Un étiquetage en règle
Nos sociétés actuelles traversent depuis les 30 dernières années des évolutions telles que l’ensemble des travailleurs est soumis à de très fortes pressions professionnelles. Le progrès technologique a déplacé les risques des travailleurs non plus sur le seul corps mais sur l’esprit et chacun peut s’y retrouver exposé.
De la même façon qu’autrefois où le terme de neurasthénie était en vogue et que les médecins débattaient des liens entre la vitesse des trains à vapeur et l’apparition des symptômes de la neurasthénie, on fait aujourd’hui rapidement le raccourci que les smartphones, les ordinateurs, tablettes et l’interconnexion constante seraient des facteurs essentiels à l’origine du burnout.
Le salarié en burnout serait donc un être fragile, incapable de s’adapter aux nouveaux modèles du monde du travail.
Pratiques, ces raccourcis permettent d’éviter de se poser les questions essentielles et sous-jacentes à la prise en charge des salariés qui en sont victimes. Raccourcis d’ailleurs certainement liés à une évolution de notre société qui colle rapidement des diagnostics ou des étiquettes sur toute situation :
- Un enfant qui ne s’adapte pas au milieu scolaire est un hyperactif ou un enfant surdoué,
- Un chef exigeant et colérique est un pervers-narcissique,
- etc.
Maintenir, soutenir, retenir
Si le burnout est un état de souffrance lié au travail, un bref détour par l’étymologie du mot ‘souffrance’ nous renvoie à sa racine latine sufferre à savoir « supporter », c’est à dire maintenir, soutenir, retenir.
- Maintenir : « main » / « tenir » : c’est donc tenir en main l’individu,
- Soutenir : « tenir par en-dessous » : c’est donc se tenir derrière l’individu et non devant,
- Retenir : « tenir de nouveau » : c’est donc la rétention qui est la clé
Trois pistes finalement pour permettre au salarié en souffrance, et à son organisation, d’éviter le burnout en détectant suffisamment tôt ses signaux. Si souffrir, c’est supporter, il nous faut :
- Maintenir : montrer par tous moyens au salarié qu’il a de la valeur et que nous allons l’accompagner, « le tenir en main » ;
- Soutenir : être derrière le salarié et non devant lui, attentif au moindre signe, prêt à agir s’il devait trébucher et à assurer ses arrières ;
- Retenir : mettre en œuvre une politique de rétention, y compris pour les salariés qui donneraient des signes de fragilité et tout faire pour les garder.
Cela nous renvoie à certaines pratiques dans les organisations. Finalement que fait-on concrètement d’un salarié en souffrance ? Le réflexe RH est malheureusement trop souvent de s’engager dans des voies radicales : rupture conventionnelle, licenciement ou voie de garage en pariant sur le fait que le salarié victime d’un burnout, ou à tout le moins d’un état de fragilité, ne sera pas capable d’absorber davantage de pression à l’avenir.
Mais le bipède n’a-t-il pas droit au faux pas ? Ne peut-on pas sortir plus fort d’une période de fragilité en ayant compris sur quoi agir et sur quelles ressources ?
Au lieu de voir le burnout comme un arrêt sur image, comme une étiquette collée sur le dos d’un salarié, ne peut-il pas être une opportunité de travailler avec lui sur son positionnement, sur ses failles et fragilités pour les rendre fécondes et permettre un renforcement ? Comme agirait un vaccin finalement qui permet à l’organisme de se défendre et de développer une immunité contre le virus après l’avoir combattu.
C’est le parti pris par Kintsugi RH pour proposer une solution de prévention axée sur la personne et sur sa capacité de résilience.
(1) Rapport de l’Académie de Médecine du 23 février 2016
(2) Claude VEIL – Veil, Claude – Les états d’épuisement. – Concours médical, 1959, p. 2675-2681.
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